lundi 13 février 2017

Témoignage d'un Co-signataire : Vincent, pratiquant de l'escalade "sportive" équipée.

 "L'appel des jeunes " a parmi ses principaux objectifs de rassembler des pratiquants de tous horizons et avec des pratiques variées. C'est une réussite ! Si la mobilisation des pratiquants de l'alpinisme et du "terrain d'aventure" était attendue compte tenu des enjeux, nous sommes heureux de compter parmi nous une part significative de grimpeurs ne pratiquant que l'escalade sportive en salle ou en extérieur (ainsi que le parapente, la randonnée à pieds ou à skis, comme autres exemples) ! Ils sont déjà 14 signataires sur un total de 120.
"Opéra Vertaco", escalade sportive en Vercors.


 On publiera bientôt quelques stats intéressantes sur les signataires ainsi que sur ceux qui nous soutiennent : quel âge ils ont, d'où ils viennent, et quelles sont leurs pratiques.
En attendant pour se réjouir de cette première réussite, on publie le témoignage de Vincent G. qui nous explique pourquoi, grimpeur "sportif", il a signé cet appel à la cohabitation :


" Tout d'abord merci pour ton intérêt. Je ne pense pas avoir énormément à apporter à la discussion, c’est surtout le fait que la discussion ait lieu qui me semble impératif (d’où mon soutien à ce mouvement), et il me semble intéressant que des profils comme le mien soient représentés.


Déjà, il faut comprendre d’où vient ma culture de la grimpe : n’évoluant pas dans un milieu montagnard et ayant commencé sur le tard (20 ans), ma culture de l’escalade vient beaucoup des pays anglo-saxons, par le biais d’internet. Dans cette culture (et à grand renfort de belles images bien montées), l’accent est fait sur l’immense diversité des pratiques : le « hard trad » à l’anglaise, le « big wall » à la Yosemite, les forts bloqueurs à Beanie et Solutions (n’ayons pas peur des clichés), les grimpeurs de 9b sur calcaire espagnol,  etc…  De cette diversité, il ressort largement une notion d’éthique : respect du rocher, essayer au possible de respecter le style de la « first ascent », et application du principe de  « leave no trace », qui tend à diminuer le plus possible l’impact humain sur un milieu naturel. La notion d’éthique est vraiment CENTRALE dans cette culture. Le rocher n'est pas vu comme une matière modelable, mais presque comme une entité en soi, méritant d'être respectée.

 Pour moi donc, on ne DEVRAIT PAS, sauf circonstances exceptionnelles et après intense concertation entre les acteurs locaux, changer radicalement l’équipement d’une voie après l’ouverture, dans un souci d’éthique. De plus, si un secteur est bien adapté à une pratique propre, elle devrait être priorisée sur une pratique toute équipée. Il existe bien assez de falaises calcaires non protégeables à spitter…

 Corollaire au milieu dans lequel j’évolue : je suis la plupart du temps le plus expérimenté de mon groupe de grimpeurs, ce qui rend un peu difficile l’apprentissage de nouvelles formes de grimpe, telles que le trad, le mixte, le dry... Contrairement  à des montagnards pour qui l’étape suivante sera de chercher des itinéraires moins « aseptisé » au niveau de l’engagement, ma marge d’évolution en tant que grimpeur va plutôt se situer au niveau de ce que je peux travailler en salle : la forme physique et la technicité en libre. J’ai donc tendance à rechercher des itinéraires de plus en plus difficiles et ayant de plus en plus d’ampleur, mais conservant un équipement où la chute est généralement autorisée et l’équipement relativement solide.

 Conséquence : un grimpeur tel que moi va avoir tendance à délaisser les itinéraires "tout spit" un peu vétustes. Si on part du principe que le temps et les moyens des équipeurs sont limités (ce qui me paraît être une assomption raisonnable), trop équiper en spits sur des itinéraires à l’origine protégeables aurait peut-être pour conséquence de manger sur le terrain de jeu des pratiquants de trad, sans augmenter significativement mes possibilités d’escalade, étant donné que j’éviterai les courses non entretenues. Une perte sèche de possibilités donc, qui ne profite à personne. Bien sûr, j’apprécierai tout itinéraire spitté que l’on pourra me proposer, mais il faut à tout prix que cela ne se fasse pas au détriment d’autres types de pratique.

  Ceci dit, je tiens à nuancer le propos : j’ai personnellement rarement été confronté à ce genre de dérives, une poignée de fois peut-être (ce qui en soi est déjà un souci), mais j’entends trop souvent parler de ce genre d’incidents, ce qui montre que le niveau de concertation n’est pas ce qu’il devrait être, et j'aimerais éviter au maximum les conflits, qui peuvent parfois être synonyme de démotivation/désengagement des équipeurs, voire dans les cas extrêmes fermeture de certains sites.

 Un autre point que j’aimerais adresser car il me concerne directement : l’idée que, étant donné que le nombre de grimpeurs en salle et en falaise périurbaine explose, on devrait équiper en couenne et en grande voie à des standards rappelant la salle pour les attirer. Dans mon expérience, tout grimpeur de salle opérant une transition vers des itinéraires d'ampleur de moyenne et de haute montagne, va le faire pour le goût de l’aventure, pas pour enchaîner des croix sans se faire peur. Ils vont donc, après une période d’accoutumance, perdre un peu le goût des itinéraires « échelle de spits ». De plus (encore une fois dans mon expérience), à partir d’un certain niveau de pratique, quasiment tous les grimpeurs intéressés par la moyenne/haute montagne (même ceux ayant commencé en salle) vont vouloir essayer de poser des coinceurs dans leurs voies. Ils ne feront probablement pas tous des itinéraires en « full trad », mais ils se sensibiliseront clairement à l’escalade « propre », et auront tendance à l’encourager. Ceci est bien sûr basé sur mon vécu, je ne prétends pas avoir une expérience représentative…

 Voilà donc mon expérience de « grimpeur sur spit » désireux que sa pratique préserve au maximum l’environnement naturel et l’intégrité de tous les aspects de l’escalade... Et d'accord avec le fait que l'escalade évolue, et que les pratiques d'équipement devraient suivre. On représente une assez forte population de grimpeurs mine de rien, on n’est juste pas les plus vocaux, mais si concertation il y a, je pense qu'il sera toujours intéressant d’entendre notre avis ! Il existe bien sûr des enjeux dont je n'ai pas idée, mais ça représente je pense bien le point de vue d'un grimpeur "de base".

Vincent G.
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